Bullshit : un mot qui ne dit pas grand chose, tout en véhiculant une énergie très haute.
Le “Bullshit” (bullshit -job, titre du fameux livre de David Graeber qui est devenu un concept à part entière), c’est ce mot anglais, familier pour dire une révolte contre une langue de l’entreprise qui s’emploie à vider de son sens le vocabulaire du travail. En déconnectant le nom des fonctions, des titres, des missions ou des actes manageriaux de leur existence concrète (ex: growth hacker, apprenant, collaborateur, ou le désormais obsolète chief happiness manager, mais aussi les injonctions telles qu’être force de proposition dont on ne sait pas toujours s’il s’agit d’innover, décider, ou trouver des solutions, ou enfin gérer les émotions alors qu’on n’a aucun contrôle dessus…), on crée une réalité parallèle qui n’a plus de rapport avec un métier, des tâches, un rôle ou une fonction.
Même si les salariés à tous les niveaux de l’entreprise, apprennent la langue, -et même si cette langue a largement dépassé les frontière de l’entreprise à mon avis-, il n’en reste pas moins une faille, un flou, un brouillard (peut-être savamment entretenu, ceci est un autre sujet), qui plane entre les mots que l’on utilise et l’incarnation de son activité, de son métier, de ses gestes techniques et managériaux, de la nature de la coopération que l’on vit avec ses collègues, co-équipiers ou directeurs.
Et puis arrive ce moment où ce que l’on pense se retrouve à l’orthogonal de ce que l’on vit. Où ce que l’on dit dans cette langue est déloyal vis-à-vis de ce que l’on fait. Ou que ce que l’on fait pour défendre son métier n’a pas de traduction dans cette langue.
Le drame alors, c’est que l’on n’a plus de mots pour parler de ce qui nous arrive, pour débattre, se défendre, pour expliquer. Parce que ces mots n’existent plus dans la langue de l’entreprise qui a d’autres objectifs.
Cela crée une fracture à l’intérieur des personnes, dans laquelle vont alors naître des luttes intérieures terribles. Ce que l’on ne peut plus dire à l’extérieur se retourne à l’intérieur de nous-mêmes. Et il est probable que cela influence beaucoup le sentiment de “perte de sens”, le sentiment d’être dépassé, noyé, et puis peut être cramé.
Les métiers du conseil et du coaching n’échappent pas à cette langue parallèle. Ne serait-ce que pour comprendre ce que nous disent nos clients. Il est facile aussi de s’y croiser sans se rencontrer, quand derrière le même mot, chacun met le sens qu’il veut .. ou qu’il peut.
C’est la raison pour laquelle, chez Foster The People, le conseil “anti-bullshit” que l’on érige en étendard consiste en premier lieu, à questionner, clarifier, illustrer, métaphoriser, définir, expliciter et re-lier le plus précisément possible, ce qui est vécu, pensé et ressenti.
PS : “Et concrètement? ”… est notre meilleure question, et cela ne se traduit pas en novelangue!